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Selon la Cour de cassation, le Conseil de Prud’hommes demeure seul compétent pour apprécier le bien-fondé du licenciement pour inaptitude professionnelle d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Néanmoins, l’indemnisation allouée par la juridiction prud’homale demeure circonscrite aux seules conséquences de la rupture abusive ou illicite du contrat de travail.

Par deux arrêts du 3 mai 2018, la Cour de cassation clarifie sa jurisprudence sur la délimitation des compétences respectives du Conseil de Prud’hommes et du Tribunal des affaires de sécurité sociale en matière d’inaptitude professionnelle d’un salarié victime d’un accident du travail.

Synthèse :

Si l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, relève de la compétence exclusive du Tribunal des affaires de sécurité sociale, le Conseil de Prud’hommes est seul compétent pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail, et pour allouer, le cas échéant, une indemnisation au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsque l’inaptitude du salarié résulte d’un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité. [1]

Faits et argumentation :

Deux salariés victimes d’un accident du travail sont licenciés pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement. Ils saisissent le Conseil de Prud’hommes en arguant que leur licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car résultant d’un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité.

Les salariés sollicitaient en vertu d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation [2] la condamnation de leur ancien employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (et non le paiement de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité).

En défense, l’employeur soutenait que le Conseil de Prud’hommes n’était pas compétent pour statuer sur les demandes des salariés au motif que relève exclusivement du Tribunal des affaires de sécurité sociale, l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail (et donc de la perte d’emploi), qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité. [3]

Procédure :

Dans la première espèce (n° 16.26.306), la demande du salarié est rejetée par la Cour d’appel de Caen au motif que la demande de contestation du licenciement tendait en réalité à obtenir la réparation d’un préjudice né de l’accident du travail dans la mesure où la perte d’emploi était consécutive à son accident du travail.

A l’inverse, dans la seconde espèce (n° 17-10.306), la Cour d’appel d’Agen a rejeté l’exception d’incompétence de l’employeur et a alloué des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Deux pourvois en cassation sont ainsi formés pour contester ces solutions jurisprudentielles antagonistes.

Position de la Cour de cassation :

La Cour de cassation souligne que la juridiction prud’homale demeure seule compétente pour statuer sur le bien-fondé de la rupture du contrat de travail d’un salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ainsi, dès lors que le salarié sollicite des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (soit la réparation du préjudice consécutif à la rupture de son contrat de travail), le juge prud’homal est bien compétent.

En revanche, il revient au Tribunal des affaires de sécurité sociale de se prononcer sur l’indemnisation de(s) préjudice(s) découlant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou encore sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en lien avec la pathologie du salarié.

En définitive, la répartition des compétences entre le Conseil de Prud’hommes et le Tribunal des affaires de sécurité sociale est désormais plus nette et précise : dès lors que l’indemnisation sollicitée par le salarié est liée à la rupture du contrat de travail, le Conseil de Prud’hommes est compétent, y compris si pour allouer cette indemnisation, le juge prud’homal doit apprécier le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

S’agissant des autres chefs d’indemnisation (en lien avec la pathologie du salarié), la juridiction de sécurité sociale retrouve une compétence exclusive sous réserve que le salarié ait été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.


Article publié sur village de la justice : https://www.village-justice.com/articles/quelle-juridiction-est-competente-pour-indemniser-salarie-victime-accident,28450.html#s5UZoKJJR3HrSrSu.99

Notes : 

[1] Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.306 et n° 17-10.306.

[2] Cass. soc, 26 sept. 2012, n° 11-14.742

[3] Cass. soc., 29 mai 2013, n° 11-20.074 rendu au visa des articles L. 142-1 et L. 451-1 du Code de la sécurité sociale.